Sujet: Un papyrus copte évoque un Jésus marié Sam 29 Sep 2012, 19:45
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Un papyrus copte évoque un Jésus marié publiée le 19 septembre 2012
Les papyrus des premiers chrétiens révèlent régulièrement les nombreuses différences qui agitaient les églises des premiers siècles. Révélé par une professeur de Harvard, un fragment de manuscrit copte du IVe siècle évoque l'existence d'une femme de Jésus.
Huit lignes. Si l'histoire a bien un pouvoir, c'est de faire réagir vivement le monde avec si peu de texte. Karen King de la Harvard Divinity School a révélé mardi, lors d'une conférence à Rome, l'existence d'un fragment de papyrus qui contient la phrase "et Jésus leur a dit : ma femme...". Ce morceau de texte pas plus grand qu'une carte de crédit date du IVe siècle.
On ne sait hélas pas exactement d'où il provient, mais comme il est écrit dans la langue copte, celle des premiers Chrétiens d’Égypte, on suppose qu'il a été rédigé dans ce pays. C'est un collectionneur qui l'a transmis aux chercheurs sans en savoir plus. Comme le papyrus est couvert d'écriture sur son recto et son verso, il ne s'agirait pas d'un morceau de parchemin que l'on déroule, mais bien d'un fragment de codex, un livre ancien.
De nombreux courants chrétiens
"La tradition chrétienne a longtemps considéré que Jésus n'était pas marié, même s'il n'existe pas de preuves historiques fiables pour le confirmer, explique Karen King. Ce nouvel évangile ne nous dit pas que Jésus était marié, mais nous indique que la question faisait parti de forts débats sur la sexualité et le mariage. Dès les tous débuts, les Chrétiens étaient en désaccord sur s'il fallait ou non se marier, mais ce n'est que plus d'un siècle après la mort de Jésus qu'ils ont commencé à invoquer son statut marital pour soutenir leurs positions."
En matière de textes chrétiens antiques il faut tout de même bien garder à l'esprit que, comme pour toutes les religions, de très nombreux courants différents ont existé au fil des âges. Certains existent toujours dans le giron des églises catholiques d'Orient, comme les chaldéens, d'autres ont été déclarés hérétiques comme le nestorianisme et l'arianisme. Leurs divergences provenaient généralement de différences liturgiques, difficiles à éviter dans un monde antique sans communication de masse et en absence d'instructions claires dans la Bible, et sur la nature du Christ.
Jésus purement divin ou purement humain, Jésus dans lequel cohabitaient deux entités différentes... Les interprétations étaient variées et la version "officielle" était tranchée lors des nombreux conciles qui ont rythmé l'histoire du christianisme.
Et aussi de nombreux évangiles
Les évangiles étaient également très nombreux. Les églises catholiques, orthodoxes et protestantes n'en reconnaissent aujourd’hui que quatre: ceux de Matthieu, Jean, Marc et Luc. On parle d'évangiles canoniques par opposition aux évangiles apocryphes, non reconnus et souvent totalement inusités de nos jours. Leur nombre varie selon les estimations et leur authenticité, mais on peut en compter jusqu'à une bonne vingtaine.
L'officialisation de la découverte d'un évangile selon Judas en 2006 avait par exemple fait couler beaucoup d'encre. Si ces textes peuvent nous fournir de précieux renseignements sur des communautés chrétiennes éteintes, ils ne livrent pas pour autant des révélations bouleversantes à même de faire trembler les églises.
Sujet: Re: LE LIEN ORIENT-OCCIDENT Sam 29 Sep 2012, 20:42
Remarque : ce texte COPTE du IVe siècle est une copie d’un texte GREC écrit au IIe siècle (lire le .pdf d’origine sur le site en anglais*) dont l’authenticité a (déjà) été vérifié contrairement à ce que l’on peu lire sur différent sites Internet. Tous deux utilisent les « nomina sacra » (= Codes Sacrés) pour le nom de « Jésus » (ici, en copte, nous lisons : IC, voir l’image textuelle, ligne n° 4 entre autre)
*http://www.hds.harvard.edu/faculty-research/research-projects/the-gospel-of-jesuss-wife The Gospel of Jesus's Wife: A New Coptic Gospel Papyrus
L'avant du papyrus
L’arrière du papyrus
John Lash se pose, et avec raison, une juste question : « Pourquoi ? » les copistes des auteurs des Textes Sacrés différenciaient-ils donc le nom de Jésus ? S’il s’agissait (vraiment et toujours) de la même et unique Personne, pourquoi écrire son nom à l’aide des codes distincts tels : IC, IS, XC, XRC ? Son article sur la « Fable de Jésus » développe sa pensée :
Personnellement, en raison de vécus qui me laissent encore à ce jour interrogative, je me demande s’il ne se pourrait pas qu’il y ait (eu) un Jésus « public » (celui des Evangiles) et un Jésus « privé, répertorié différemment dans les anciens textes religieux » et dont les Enseignements n’ont (PAS) été transmis - à dessein - (correctement, directement) au commun des mortels ?
Je rappelle que le « Manuscrit de Notovich », orthodoxe russe, relate le fait que (qu’un) Jésus a passé la moitié de sa vie en Orient :
Citation :
« Durant une récente visite que j’ai faite dans un gonpa », commença-t-il [Notovich], « un des lamas me parla d’un certain prophète, ou, comme vous diriez, d’un bouddha du nom d’Issa. Pouvez-vous me dire quelque chose de son existence? »
« Le nom d’Issa est tenu en grande estime par les bouddhistes », répondit le lama. « Mais on connaît peu de chose de lui en dehors des chefs lamas qui ont lu les rouleaux concernant sa vie ». « Les documents concernant son existence – rapportés de l’Inde au Népal et du Népal au Tibet – sont écrits en langue palie et sont maintenant à Lhassa. Mais une copie rédigée dans notre langue – c’est-à -dire le tibétain – existe dans ce couvent. »
(…) Les critiques de « La Vie de Saint Issa » suivirent de près sa parution originelle.
Notovitch invoque l’argument que la librairie du Vatican contient soixante-trois manuscrits en différentes langues orientales qui réfèrent à la légende d’Issa – des documents apportés à Rome par des missionnaires chrétiens de l’Inde, la Chine, l’Egypte et l’Arabie. Il suggère même qu’un des missionnaires pourrait être l’apôtre Thomas – oui, « le Thomas qui doutait », l’empiriste.
Notovitch dit qu’il croit à l’authenticité du récit bouddhique « parce que je ne vois rien qui puisse le contredire ou l’invalider d’un point de vue historique ou théologique. »
Les Enseignements du Jésus ayant vécu en Inde semble avoir été mélangé à ceux du Jésus (public) d’ Israël, c’est en tous les cas ce que nous révèlent les recherches faites ultérieurement à celles de Notovich, en 1922, par un pandi indien (dénommé disciple punditique = en Inde, titre accordé aux savants) du nom de :
Citation :
Abhedananda a vécu en Amérique du Nord durant un quart de siècle, a voyagé énormément, et connaissait bien Thomas Edison, William James et le Dr Max Muller. Il était fasciné par Jésus et sceptique au sujet de Notovitch.
Abhedananda voyagea dans la région arctique des Himalayas, détermina de trouver une copie du manuscrit de Hemis ou d’exposer la fraude. Son livre de voyage, intitulé Kashmir O Tibeti, nous parla d’une visite au gonpa de Hemis et comprend une traduction en bengali de deux cent vingt-quatre versets, essentiellement les mêmes que le texte de Notovitch. Abhedananda fut ainsi convaincu de l’authenticité de la légende d’Issa.
Sujet: Jésus dit : ma femme... Ven 21 Déc 2012, 00:42
AMBRE
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Sujet: Re: LE LIEN ORIENT-OCCIDENT Sam 19 Jan 2013, 22:20
Le service envers les autres Écrit par Dr Javad Nurbakhsh
Un des principes de la voie auquel le soufi doit particulièrement prêter attention, concerne le service envers les autres.
Le service a plusieurs objectifs : Le premier objectif est que le soufi expérimente le chemin et la coutume de la chevalerie, du sacrifice et de l’altruisme, jusqu’à ce que cela fasse partie de ses habitudes et de son éthique.
Le deuxième objectif est que le soufi en servant les autres les rend joyeux, et cet acte est un comportement humain particulier des soufis. Car ils ont dit :
Tant que tu peux réjouir un cœur fais-le,
car briser un cœur n’est pas un art.
Le troisième objectif est que le service envers les autres est la cause de la réjouissance de Dieu et est considéré comme étant une prière authentique :
La prière n’est rien d’autre que de servir les créatures,
elle n’est pas dans le chapelet ni dans le tapis de prière ou l’habit du derviche.
Avec le quatrième objectif, le service envers les autres fait diminuer l’égoïsme, le « moi » et le « je » , et cette pratique lui sera bénéfique dans son comportement extérieur et son cheminement intérieur.
Ecoutons à présent cette histoire de Abu Said Abol Khayr sur le service :
On raconte qu’un jour le shaykh Abu Said faisait une réunion à Neyshâpur. Au milieu d’un discours il dit : « Partout dans la khaneqâh il y a des bijoux qui sont tombés, pourquoi ne les ramassez-vous pas ? » Les créatures tournèrent leur regard et crurent qu’il y avait véritablement des bijoux qui étaient tombés et qu’il n’y avait plus qu’à les ramasser. Comme ils ne voyaient aucun bijoux ils dirent : « ô shaykh nous ne voyons pas de bijoux ! » le shaykh dit : « Le service ! Le service ! »
Discours traduit du magazine Soufi persan n°44
Le Dr Javad Nurbakhsh présente dans Jésus vu par les soufis les écrits et récits des maîtres soufis se rapportant à la personnes de Jésus, pour permettre aux musulmans d'approfondir leur connaissance de Jésus et intéresser les chrétiens à la diversité de l'islam. Le lecteur de culture chrétienne sera peut-être surpris de découvrir l'importantce de la figure de Jésus dans les textes soufis ou il est considéré comme l'exemple sublime d'un maître sprirituel et le symbole d'un homme parfait, par sa sincérité, sa pureté, son amour et sa compréhension. Dr Javad Nurbakhsh a été maitre de l'ordre Nématollahi des soufis (ordre fondé au XIVème siècle par Shah Nématollah Vali) jusqu'a son décès le 10 Octobre 2008. Né le 10 décembre 1926 à Kerman en Iran, lauréat de la faculté de médecine de Paris, praticien et chef du département de psychiatrie à l'université de Téhéran jusqu'en 1978, il est l'auteur d'une centaine d'ouvrages historiques et biographiques, de traités et de recueils abordant tous les aspects de l'enseignement soufi, et d'un dictionnaire encyclopédique sur le soufisme.
Le Soufisme Une voie mystique par excellence pour l’humanité par Benoît Gauthier
Invité Invité
Sujet: En Occident, l'homme descend du sage Ven 08 Fév 2013, 21:17
En Occident, l'homme descend du sage Non, l'Orient n'a pas le monopole de la sagesse
Chronique de Roger Pol-Droit
La sagesse n'est pas une affaire occidentale. On le répète un peu partout. Pour trouver cette denrée rare, une seule direction : l'Orient. Chez les Occidentaux, circulez, il n'y a rien à voir. Tout au plus quelques vestiges plus ou moins décomposés, dans les poubelles de l'histoire. Rien d'autre.
Selon une idée répandue, il y aurait d'un côté l'Occident de la technique et de l'autre l'Orient des sages. C'est faux. Dans l'Antiquité, le sage représentait un idéal humain à atteindre. Progressivement le saint, le philosophe puis le savant lui ont fait de l'ombre.
Voilà ce que je souhaite contester. Car c’est devenu faux, si jamais ce fut vrai un jour. Reste à dire pourquoi. Un coup d’œil sur l’économie mondiale suffit pour savoir que l’industrie, les techniques et les machines, désormais, habitent en Orient. Pas un ordinateur, pas une tablette, pas un téléviseur ou un baladeur qui ne vienne de Chine, du Japon ou de Corée du Sud. L’Asie est technologique, financière et conquérante. Ironie de la mondialisation et ruse de l’histoire globale : les ingénieurs sont passés à l’Est. On pourrait alors imaginer que la sagesse « revient » à l’Occident, comme un retour et comme une responsabilité. Industriellement déclinant, l’Occident serait en passe de devenir le musée des anciennes formes de sagesses orientales. Le Tibet une fois entièrement bétonné, couvert de tôle ondulée et de drugstores chinois, l’esprit du Toit du monde se réfugierait sur les rives de la Dordogne ou dans les vallées de Californie.
On en finira donc avec ce vieux cliché : l’Occident fabrique des machines, l’Orient des sages. Cette fable a même été répandue par des auteurs illustres. Ainsi, à la fin du xixe siècle, l’Indien Vivekananda, le disciple de Ramakrishna, disait carrément : « Lorsque l’Oriental veut s’instruire de la construction des machines, il vient s’asseoir au pied de l’Occidental et apprendre de lui. Lorsque l’Occident veut s’instruire de l’esprit de Dieu, de l’âme, de la signification et du mystère de l’univers, il doit pour apprendre aller s’asseoir au pied de l’Orient. » C’était une commode division du « métier de vivre » : aux uns la mécanique, aux autres la spiritualité. La contrée des ingénieurs s’opposait au pays des gourous. Le foyer mythique de la sagesse contrastait avec la patrie, non moins mythique, de la science, de la technique et de la raison. Il est temps de quitter ces images simplistes et déformantes, ces clivages East and West qui ont traversé – du siècle des Lumières à celui des Beatles – nos récits et nos pensées.
Arrêtons donc de croire qu’il existe, côté occidental, la domination et, côté oriental, le renoncement. Il n’y a pas sur un versant le projet de soumettre la matière et le monde, et sur l’autre le recueillement dans la présence ou la vacuité. Tous ces vieux matchs Occident-Orient paraissent obsolètes, qui faisaient entrer en compétition matière contre esprit, monde présent contre outre-monde, relatif contre absolu, raison contre intuition. On rangeait l’Occident du côté des choses, de l’objectivité et de l’incroyance. Et l’Orient du côté de l’Absolu, des sagesses et des saluts. Encore une fois, c’est terminé. Il n’est pas sûr que la réalité ait jamais été ainsi, mais il est certain que ce n’est vraiment plus le cas.
On se souvient de plus en plus qu’il y eut des sagesses d’Occident. En 1959, le philosophe anglais Bertrand Russell fut l’un des premiers à consacrer un ouvrage aux penseurs de l’Antiquité grecque sous le titre « Wisdom of the West » (« Sagesse d’Occident »). Il ne considérait pas leurs œuvres comme des vestiges archéologiques. Reste à comprendre, même de manière provisoire, quelle pourrait être la spécificité occidentale dans la sagesse. Aurait-elle un avenir, si oui de quel type ? Questions difficiles à résoudre. Rien n’interdit d’essayer. A mes seuls risques et périls, cela va sans dire.
L’occident, un artéfact ?
Demander si l’Occident a encore un rôle à jouer dans le domaine des sagesses, quelque chose à dire et à faire qui soit sien, suppose un préalable : admettre que l’Occident existe. Aujourd’hui, on répète volontiers, chez les gens qui ont de l’instruction, que c’est une notion illusoire et même dangereuse, un artéfact culturel, un objet idéologique et politiquement néfaste – un mirage à écarter.
Une brève mise au point n’est donc pas inutile. Il existe une pluralité d’acceptions du terme « Occident ». On peut donner à ce mot un sens géographique (là où le soleil se couche, et de manière délimitée : l’Europe de l’Ouest), un sens religieux (au Moyen Age : la chrétienté), un sens politique (pendant la guerre froide : le camp capitaliste), un sens économique et culturel (l’Europe, les Etats-Unis) ou encore un sens social et anthropologique : aujourd’hui « l’occidentalisation » couvre la planète des mêmes outils techniques, des mêmes laboratoires de recherche, des mêmes modes de vie.
On doit évidemment être vigilant envers les usages suspects d’une prétendue identité occidentale. L’idée d’une « défense de l’Occident » a fait les beaux jours des extrêmes droites et devint une bannière des fascismes. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour nier toute réalité et toute consistance à l’héritage culturel et historique de la pensée dite occidentale. Au cœur de cet héritage, il y a des singularités, des éléments spécifiques. Certains constituent les lignes de force d’une sagesse possible. Essayons de les rassembler.
Mort et transfiguration des sages grecs
Les écoles de l’Antiquité grecque et romaine ne cherchaient pas la vérité pour elle-même. Ces écoles de sagesse élaboraient, autant que des savoirs et des sciences, des disciplines de vie visant à l’amélioration de soi. Il ne s’agissait pas d’activités distinctes – ici la connaissance théorique, là la transformation de soi –, mais d’une seule et même démarche. Sophos, en grec ancien, signifie tout autant « savant » que « sage ». La sophia est un savoir-sagesse. Ces deux faces que nous opposons sont, pour un Grec de l’Antiquité, rigoureusement indissociables. Le royaume des sages ne fait qu’un avec l’empire des savants. Toute connaissance vraie transforme celui qui la détient. Et même la connaissance proprement mathématique implique une transformation morale. Car il n’existe pas, dans pareille perspective, de science sans conscience : il n’y a qu’une seule et unique « sapience ».
Toute l’Antiquité occidentale – Athènes, Rome, Alexandrie… – est habitée de cette conviction, sept ou huit siècles durant. Epicuriens, stoïciens, cyniques, sceptiques, ne cessent de la répéter, de génération en génération. La figure du sage est centrale, la sagesse constitue l’idéal à atteindre, le modèle de la vie humaine dans sa perfection réalisée. Somme toute, la seule vie humaine pleine, conforme aux potentialités de l’humain, est celle du sage. La figure du sage s’est effacée derrière celle du saint, à mesure que l’Occident se christianisait. A un idéal purement humain s’est substituée la soumission sacrificielle à la volonté divine. Même si le saint peut avoir bien des traits communs avec le sage, et même des comportements identiques, il s’inscrit dans une perspective radicalement différente.
La figure du sage, en Occident, a été également concurrencée, au point d’être presque effacée, par l’idéal moderne du philosophe pur théoricien, artisan du concept, nullement soucieux de la transformation de soi-même. En se détachant de toute perspective pratique, la philosophie a été livrée à l’abstraction sans fin.
Le frère jumeau du philosophe pur théoricien sera le scientifique, dernière figure de la rupture avec le sage. L’homme de science décrit le monde tel qu’il est, indépendamment de nous et de toute considération morale. La connaissance qu’il détient n’est pas censée le transformer, quand bien même elle peut changer la face du monde. On voit donc naître, depuis le personnage de Faust jusqu’aux romans fantastiques contemporains, une silhouette inimaginable dans l’Antiquité, celle du savant fou.
La figure du sage grec, recouverte ou mise à l’écart par les figures du saint, du philosophe pur théoricien et de l’homme de science, n’a malgré tout jamais vraiment disparu. On la voit ressurgir sous diverses formes à la Renaissance, à l’âge classique, au siècle des Lumières, plus tard encore, travaillant du dedans l’histoire européenne. Elle affleure plus visiblement chez certains philosophes, tels que Montaigne, Spinoza, Schopenhauer, Nietzsche ou Wittgenstein.
S’il est possible aujourd’hui d’envisager son retour, sous une forme évidemment transformée, c’est dans le contexte d’un Occident où le christianisme décline et où la sainteté ne parle plus, où la philosophie purement théorique vacille, où l’objectivité scientifique se fissure. Reste donc à esquisser, toujours à titre expérimental et provisoire, les premiers traits d’un sage occidental du XXIe siècle – encore virtuel, évidemment. Quatre traits, pour l’instant.
Un sage qui argumente et convainc
Sa première particularité est de tenir des discours argumentés. En Occident, la rationalité est émancipatrice parce qu’elle est parlante. Changer l’existence, orienter autrement le cours du désir, modifier les valeurs ou le rapport à soi-même nécessitent d’expliquer, parler, démontrer, convaincre. Pas seulement de méditer ou de donner l’exemple.
Le sage, ici, sera donc d’abord celui qui utilise méthodiquement sa raison. Il n’en tirera pas seulement des propositions vraies, des résultats mathématico-scientifiques, mais aussi des moyens de dissiper les illusions, faux-semblants, faux objectifs, mirages de toutes sortes. Et de défaire ainsi les angoisses où nous nous débattons à cause de ces fantasmagories, sans motif réel.
Cette tradition de la démonstration dissipatrice et apaisante est ancienne. Ainsi, l’objectif d’Epicure est de « calmer la tempête de l’âme » par la philosophie qui nous débarrasse de la crainte illusoire des dieux, de l’inquiétude factice de la mort. Et ces raisonnements sont inséparables d’une parole ordonnée, logiquement élaborée. Là encore, le vocabulaire compte : logos, en grec, comme chacun sait, désigne à la fois la raison et la parole. Le « sage-savant » est celui qui vit selon cette « parole-raison ». Nous avons donc affaire à une idée double. D’une part, seule la pensée logique et rationnelle peut véritablement conduire à la sagesse ; d’autre part, la connaissance vraie est nécessairement parlée, articulée, exposée.
C’est là un écart incontestable avec l’intuition silencieuse des éveils d’Orient, qui sont presque toujours au-delà ou en-deçà du proférable, liés à l’extinction de la parole. En Inde, le Bouddha ou Shankara – sans parler de Nagarjuna – ont aussi un usage constant et méthodique de la logique. Mais elle n’est ni première ni dernière et toujours subordonnée à un silence, antérieur ou postérieur, originel ou final.
Au contraire, la primauté de la raison parlante, sa domination et son règne semblent caractériser l’Occident comme sagesse et comme science. Dans son histoire, d’Aristote à Freud, on trouverait bien peu d’acheminement vers la sagesse sans une pratique de l’analyse rationnelle. Inversement, aucun grand système rationnel occidental n’est exposé sans une certaine ombre de sagesse qui lui colle à la peau, si l’on peut dire. Il reste toutefois à la faire passer dans la totalité de nos gestes quotidiens. Ce qui implique un entraînement.
Un sage qui s’entraîne tous les jours
Deuxième trait majeur de la sagesse en Occident : l’existence d’exercices spécifiques pour faire entrer les paroles vraies dans les faits – patiemment, par la répétition et l’entraînement. Les énoncés de la sagesse rationnelle constituent comme des patrons, au sens de la couture – des plans, des modèles, sur lesquels l’existence est à façonner. Aperçues par la raison, les vérités sont encore à faire advenir, petit à petit, dans les rouages du quotidien. La réussite de cette transformation n’est ni immédiate ni simple. Ni même assurée. L’exercice est lent. La résistance des matériaux appartient inévitablement au parcours. Le philosophe français contemporain Pierre Hadot (1922-2010) – qui fut professeur au Collège de France et influença notamment Michel Foucault – a mis en lumière le rôle central de ce qu’il a nommé « exercice spirituel ». C’était sa manière de traduire l’aïskèsis des Grecs – laquelle n’est pas ce que nous appelons aujourd’hui « l’ascèse », faite le plus souvent de renoncement et de mortification, mais simplement l’entraînement, le training. De même que sportifs ou musiciens doivent faire entrer dans les muscles et les tendons les gestes qui conviennent, le sage doit faire passer les énoncés-clés dans la réalité quotidienne – physique, psychologique, sociale.
Par exemple, chaque soir, le stoïcien se demande si, dans la journée, il s’est comporté conformément aux principes qui sont les siens. Ne s’est-il pas laissé aller à la colère, au mépris des autres, à l’emportement inutile ? Ou bien il tente d’adopter « le point de vue d’en haut », de contempler la vie comme du sommet de la montagne voisine, pour prendre conscience de la relativité des événements, de la petitesse de nos existences, du caractère minuscule et risible, par rapport à l’immensité du tout, de ce qui nous trouble et nous agite.
Ces exercices et quelques autres – comme celui de l’ancrage dans l’instant présent – sont de véritables leviers de la transformation. Ils balisent et guident le cheminement vers un état plus sage, ou entretiennent ce qui est déjà acquis. A la sagesse soudaine, foudroyante, s’opposent ces édifices construits bout par bout, à la longue. Au lieu du satori subit, le fitness de sapience jour après jour.
Il existe évidemment des exercices spirituels ou des équivalents dans d’autres traditions. Toutefois, le caractère méthodique, répétitif, quasiment sportif de l’entraînement à la sagesse couplé à la rationalité ne semble pas avoir d’équivalent strict dans d’autres aires culturelles. Ailleurs, on trouve de multiples pratiques corporelles qui font presque défaut à la tradition occidentale. L’exercice spirituel à l’occidentale est à comprendre comme une manière d’inscrire, à force de répétition et d’entraînement, une vérité logique dans la chair, dans les attitudes du corps, dans l’affectivité.
Mais il n’est jamais certain que cela marche. Il se pourrait que la sagesse se révèle une tâche impossible, un vain rêve. Commencer à être sage, serait-ce reconnaître qu’on ne peut pas l’être ? Voilà une démarche paradoxale : la destruction du rêve devient positive, la déception se fait allègre. Là encore, une histoire ancienne se réactive. Les stoïciens disaient déjà, tout en poursuivant leur quête de sagesse, qu’il se pourrait qu’aucun homme ne soit jamais vraiment devenu sage. Cette forme de corrosion critique, l’Occident la connaît et la pratique mieux que personne.
Un sage critique et corrosif
Critique, négative, éventuellement destructrice, telle est encore la sagesse occidentale. Les autres sagesses – le bouddhisme constituant une exception relative – sont toutes centrées sur un cœur de doctrine. En Occident dominent des aspects corrosifs, insoumis, subversifs. Voyez Diogène de Sinope crachant au visage des riches, Erasme célébrant la folie ou Schopenhauer conchiant les professeurs de philosophie : les sages occidentaux sont souvent plus irrespectueux que sereins, plus iconoclastes que pacifiés.
Dogmes, conventions, préjugés, croyances, rien ne se trouve à l’abri : la raison parlante peut, tout le temps, tout remettre en cause. Sans oublier, évidemment, de mettre à l’épreuve la raison elle-même. Etrillée, critiquée elle aussi, sans complaisance ni faux respect. L’outil ne saurait se soustraire à l’examen : il serait curieux qu’il fût inoxydable, alors qu’il oxyde tout.
A la pointe ultime du geste de sagesse occidental, on trouvera donc une possibilité permanente d’attaque de toutes les valeurs et institutions, de tous les savoirs et acquis. Il faut souligner cette manière très étrange de ne jamais être arrivé, installé, de toujours s’efforcer de défaire ce qu’on a édifié, en le corrodant du dedans. Il n’est aucune norme, aucune méthode, aucun régime politique qui n’ait été soumis à cette forme singulière de corrosion, d’oxydation de la critique rationnelle. En Occident, pas d’anti-oxydant !
Le risque, évidemment, étant de tout détruire, de ne rien laisser debout. Entre l’espace libéré des erreurs anciennes et le champ de ruines des vérités défaites, il arrive qu’il ne soit pas simple de faire passer une distinction claire et nette. Autrement dit, cette sagesse décapante est toujours susceptible de se retrouver du côté du néant, de la négation pure, de la destruction nihiliste.
En fait, c’est un beau risque. Car il faut s’exposer à l’errance, à la désolation et à la mort pour se donner les moyens de faire éclater tous les carcans, de briser toutes les clôtures, d’extirper tous les enracinements. Si on veut se libérer de tout ce qui asservit l’existence, en Occident, il convient effectivement de risquer le néant. C’est un risque, encore une fois, mais qu’il faut allègrement porter, endurer, assumer, sans en faire toute une histoire, toute une tragédie habitée de pathos et d’angoisse.
S’il existe quelque chose comme une sagesse occidentale, elle ne peut être close sur un dogme, une doctrine, une seule vérité. Elle se confond plutôt avec l’ouverture à des aventures indéfiniment nouvelles. Elle est toujours sur le point de s’annuler, de s’autodétruire – c’est ce qui la fait perdurer. Un certain négatif assure sa longévité.
Un sage politique
Dernier point : si l’homme occidental, demain, descend du sage, ce sera par le biais du politique. Le temps des ascètes solitaires n’est plus. Il n’y a d’avenir pour la figure du sage que réinscrite dans l’histoire, confrontée aux défis actuels, mêlée aux luttes pour un monde moins inhumain. Ce ne sont pas le retrait, la fuite hors du présent, l’indifférence à l’histoire, qui peuvent lui permettre d’avoir un avenir. C’est tout l’inverse.
Ici, il reste beaucoup à inventer. Le point de départ est sans doute une curieuse boucle Orient-Occident. Car l’hybridation du sage et du politique, on ne l’a pas assez remarqué, est pour une part un effet de l’occidentalisation du monde. Gandhi en fut un des pionniers, mais pas en résistant d’entrée de jeu à l’Empire britannique – en découvrant au contraire les textes fondateurs de la sagesse indienne à Londres, en traduction anglaise. Il aura fallu cette boucle pour que démocratie à l’européenne et sagesse à l’indienne s’engagent dans une étrange et nouvelle confluence.
Le quatorzième dalaï-lama aura prolongé cette voie en renonçant au pouvoir temporel absolu dont il était investi par tradition, en abandonnant son droit féodal sur les terres et les gens, en instaurant la démocratie, en luttant pour l’indépendance du peuple tibétain. D’autres leaders modernes ont, eux aussi, esquissé cette voie – Martin Luther King, Nelson Mandela, Aung San Suu Kyi. On pourrait les considérer comme des hybrides : ce sont des figures spirituelles engagées dans des luttes politiques, ce sont aussi bien des militants politiques dont la stature déborde de leurs actions militantes. Il y a des chances que cette lignée d’hybrides ne soit pas stérile. Mais nul ne sait encore de quelle manière. J’ai la faiblesse de croire qu’elle réserve encore à la vieille Europe quelques surprises.
En résumé, il se pourrait bien que la figure du sage, en Occident, soit à la fois derrière nous et devant nous. Estompée depuis les Grecs par les dominations du christianisme, de la philosophie abstraite et des scientifiques, elle a des chances de renaître à mesure que ces dominations déclinent. Alors se développerait une forme de sagesse rationnelle, soutenue par un entraînement constant, à la fois critique et corrosive, mais aussi politique et solidaire. Et la sagesse, peut-être, redeviendrait une affaire occidentale. Hypothèse, cela va sans dire.
Sujet: Être soi grâce à l'autre avec Roumi Dim 13 Oct 2013, 00:52
Être soi grâce à l'autre avec Roumi
Fondateur des derviches tourneurs, ce maître soufi est le sage qui a le mieux parlé des coups de foudre et de l’importance de l’autre pour se connaître soi.
Le 9 novembre 1244, dans le bazar de Konya qui était déjà une ville immense, dans un pays qui n’était pas encore la Turquie, une rencontre très étrange a eu lieu. Elle fut bouleversante, incompréhensible autant qu’imprévisible. Un homme d’une trentaine d’années, savant, estimé, influent, considéré déjà comme un maître spirituel, a croisé un mystique nomade, un illuminé inconnu, un derviche tourneur que personne n’avait jamais vu auparavant. Ce qu’ils se sont dit, ce qui s’est véritablement passé entre eux restera sans doute à jamais mystérieux. Plusieurs récits ont transmis des circonstances différentes, des paroles dissemblables. L’essentiel, c’est la conséquence.
Le nomade, qu’on appelle Shams (« soleil ») pour abréger ses surnoms de « Soleil de la religion » ou « Soleil du Vrai », a fait que le savant poète est devenu lui-même. Ce dernier se nommait Mohammad Djalal al-din, qu’on appelle toujours « Roumi », surnom qui signifie le Romain, le Byzantin, celui qui vit dans la postérité de l’ancien Empire de Rome. Il sortira de cette rencontre comme anéanti et restauré. « J’étais cru, puis j’ai cuit et j’ai brûlé », dira-t-il lui-même. Dans cette collision spirituelle, indiscutablement, entrent en jeu du vertige métaphysique, de l’absolu et de la révélation, de l’extase et de la certitude. Mais l’important à retenir est sans doute que la présence de l’autre est décisive. C’est en se faisant disciple que le Maître devient lui-même, c’est en perdant son identité déjà construite qu’il devient cet « étonnant océan sans rivages » dont il parle.
Après cette rencontre, qui donc est Roumi ? La réponse n’est pas simple. Parce que cet homme incomparable a fini par devenir presque insaisissable à force d’être multiple. Il ne suffit pas de dire qu’il vécut au xiiie siècle en Perse, puis dans l’actuelle Turquie, que depuis huit cents ans on l’appelle « le Maître », qu’on récite ses poèmes et ses chants sans jamais s’en lasser. Cette figure majeure du soufisme, de l’islam en général et de la sagesse universelle, est aussi celle d’un juriste et d’un théologien, penseur rigoureux, auteur d’analyses et de distinctions subtiles, mais aussi poète mystique aux inventions paradoxales et fulgurantes. En ressortent mille enseignements, mais sans doute une seule leçon : ce qui compte, c’est de se perdre, de ne plus être soi, de disparaître des anciens repères, telle est la voie de la vérité et du bonheur réel – et seul l’autre peut nous y donner accès.
La doctrine : la voie de l’amour
Roumi ne prétend pas avoir d’autre doctrine que l’islam, ne délivre pas une autre vérité que celle du Coran. Toutefois, ce qu’il met en lumière, de manière véritablement originale, c’est une Voie pour aimer, qui fasse de la vie soumise à l’Absolu une expérience intérieure autant qu’une observance des règles, car ces deux dimensions n’en font qu’une. Il y a donc une manière inimitable chez Roumi de plonger dans l’abandon, d’errer, de ne jamais trouver ce qu’on cherche là où l’on s’y attend, de le recevoir par surprise quand on ne s’y attend plus, et sous une forme qu’en aucun cas on n’avait envisagée. Ces paradoxes de la mystique, seule sa poésie peut les faire entrevoir.
Quelle utilité pour nous aujourd’hui ?
On peut lire Roumi sans être croyant, pour son émotion poétique et sa puissance spirituelle. Car ce qu’il enseigne de plus fondamental, c’est qu’on n’accède véritablement à soi-même qu’à travers des rencontres avec les autres. Ces rencontres révélatrices, bouleversantes, surgissent sans prévenir et peuvent se passer de mots. Théoricien et praticien de la liberté atteinte par la soumission à l’infini, de la plus grande abondance acquise par le dénuement, Roumi est sans doute avant tout le sage qui a le mieux parlé des coups de foudre. Ils font du savant un poète, de l’égoïste un être humain, du mécréant un dévot. Evidemment, il reste à savoir en quoi consiste la foudre, mais ceci est une autre histoire.
“Un habitant de Bagdad avait gaspillé tout son héritage et se trouvait dans le dénuement. Après qu’il eut adressé à Dieu d’ardentes prières, il rêva qu’il entendait une voix lui disant qu’il existait dans la ville du Caire un trésor caché à un certain endroit. Arrivé au Caire sans argent, il résolut de mendier (…) il fut saisi par une patrouille qui le prit pour un voleur et le roua de coups avant qu’il ait pu s’expliquer. Il y parvint enfin, et raconta son rêve avec un tel accent de sincérité qu’il convainquit le lieutenant de police. Celui-ci s’écria : ‘(…) Comment as-tu pu être assez stupide pour faire un aussi long voyage en te basant sur un songe ? Moi, j’ai rêvé bien souvent d’un trésor caché à Bagdad, dans telle et telle rue, dans la maison d’un tel, et je ne me suis pas mis en route pour cela.’ Or, la maison qu’il mentionnait était celle du voyageur. Ce dernier (…) retourna à Bagdad où il trouva le trésor enfoui dans sa maison.”
Extrait du conte soufi “Mathnawi”
azuréen
Nombre de messages : 78 Date de naissance : 17/11/1960 Age : 63 Localisation : Dans l'Azur Loisirs : Vibrant pour presque tout Date d'inscription : 15/03/2012
Sujet: Re: LE LIEN ORIENT-OCCIDENT Sam 09 Nov 2013, 04:48
... L'Habitant de Bagdad s'est donc "trouvé" en cherchant vers l'Ouest, vers l'occident !
D'autre part, se persuader d'aimer accentue la séparation... que l'on comble trop souvent par le mental.
Bien à vous.
Invité Invité
Sujet: Re: LE LIEN ORIENT-OCCIDENT Lun 11 Nov 2013, 00:53
Si l'on ne se persuade de rien, ni d'aimer, ni de comprendre, ni d'accepter ou rejeter, ni d'aider les autres, ni de rien d'autre, les sentiments humains et les attitudes justes comme les véritables dons de soi ne s'enclencheraient-ils pas d'eux-même ?
Le Mental n'est jamais un problème quand le cerveau [aGy] de valeur quatre et ses parties sont unies [eGy] entre elles ainsi qu’à la Source-Dieu.
Dernière édition par douceur le Mar 12 Nov 2013, 02:06, édité 1 fois
azuréen
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Sujet: Re: LE LIEN ORIENT-OCCIDENT Mar 12 Nov 2013, 00:09
Pour info, le mental n'avait pas une part prépondérante dans la dernière phrase de mon précédent mail. Par ailleurs, j'écris parfois des phrases très courtes et qui ne s'adressent qu'à une seule personne.
"Si l'on se persuade de rien" n'est sans doute pas l'expression la mieux appropriée. En réplique, j'aurais plutôt employé une formule moins directement opposée (dualité) et plus positive, du style : "Si l'on Est là pour aimer, comprendre, etc..."
Mais bon, je n'ai pas à faire des réponses à mes expressions, lesquelles ont du reste particulièrement atteint leur but.
Aussi, j'ai parfaitement compris le message que tu voulais faire passer, vraissemblablement dans le but de bien éclairer le lecteur. Hum, oui mais alors, les mots "ni aider les autres" mentionnés à la suite dans ta phrase montrerait donc une logique contradiction !
Sur le fond, je suis très OK avec toi, avec une petite réserve quand même sur l'origine et la définition des sentiments humains et des "enclanchements" perçus comme étant "d'eux-même".
"Le mental (aGy) ... valeur quatre... partie unies entre elles ainsi qu'à la Source !" Là c'est sûr, avec tout cela dans une même phrase, on a pas intérêt à ce que le mental pose ici problème, lol.
Grande:sunny: Douceur , tout en saluant l'excellence de tes travaux, ce sont surtout les conclusions dans tes messages qui sont le plus facilement saisissables, comme du reste elles éclairent aussi l'ensemble des démonstrations qui les précède !
Pour en revenir au sujet, le lien Orient-Occident. L'occident a pu se developper sans l'aide des orientaux, alors que ces derniers ont pu accroître rapidement leur économie grâce à l'Occident. Le plus sage serait-il finalement celui qui donne "la bonne parole", ou bien celui qui donne le pain pour avoir la possibilité d'écouter la "bonne parole" ? Tout est lié, et tous les peuples participent au Plan.
Invité Invité
Sujet: Re: LE LIEN ORIENT-OCCIDENT Mar 12 Nov 2013, 01:59
azuréen a écrit:
Aussi, j'ai parfaitement compris le message que tu voulais faire passer, vraissemblablement dans le but de bien éclairer le lecteur. Hum, oui mais alors, les mots "ni aider les autres" mentionnés à la suite dans ta phrase montrerait donc une logique contradiction !
Tu commentes... Ma question s'adressait à toi. Je faisais expressément référence "aux conseils (sous l'office d'aide) que je reçois, qui me sont promulgués" .
Personnellement, je fais une différence entre le don de soi et l'aide à autrui car je ne suis pas dans la peau de l'autre, ma vie n'est pas la sienne, etc. Et c'est d'ailleurs dans ce sens qu'est posée ma question.
azuréen
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Sujet: Re: LE LIEN ORIENT-OCCIDENT Mar 12 Nov 2013, 10:16
Douceur,
Mon "commentaire" serait surtout une mise en évidence d'une incohérence absolument pas invalidée par (seulement) l'expression subjective de ton point de vue.
Car selon toi, il existerait donc un "don de soi" parfaitement inutile puisqu'il n'aiderait pas. A moins qu'il ne soit en réalité utile pour soi !
Il conviendrait peut-être d'ouvrir un sujet sur le fond, car comment faire un don de soi sans interférer "la peau de l'autre" ? Et pour cela il n'apparaît pas utile de devoir y rentrer ... dans la peau !
Ne penses-tu pas que "les conseils promulgués" seraient en réalité la réponse à une demande des autres ? Il n'y aurait alors plus d'aide à proprement parler, mais seulement "canalisation" d'un retour. Et dans ce sens, nos réponses mutuelles ne seraient en réalité rien d'autres.
Dans un aspect plus large, c'était aussi le sens du dernier paragraphe de mon dernier message.
Le don de Soi comme le sacrifice sont des concepts narcissiques. Bien sûr, dans un monde de prédation, et uniquement dans un tel monde, ces concepts prennent du relief.
Bien à Toi.
Invité Invité
Sujet: René Guénon - Un hiéroglyphe du Pôle Sam 18 Oct 2014, 21:34
Bonsoir à tous,
Ce qui suit est à mettre en parallèle avec les développements effectués dans la section "CLÉS DONNANT ACCÈS AU MYSTÈRE CHRISTIQUE" :
[...] Le Son Primordial [K-◊] contient en son sein deux [L], une paire d’ailes parce que ÁLL est le Verbe signifiant se tenir debout, être debout - sur ces deux jambes (!) - tout comme, s’élever. Comme l’élévation ne peut se produire qu’à partir de la Source - et non pas du Vide -, ÁLL exprime sa provenance de la Source par sa valeur 40/4 : 2+(2x19) = 40. Attention, le son Alla n’est pas isolé dans le KaRé divin. Il est assorti au graphe Krist formant réunis la Rectitude « Krist-Alla » qui signifie, en Vérité, « Christ Debout », l'effigie de l’Être Kristique Érigé à l’image d’un Kristal/cristal. Et lorsque celui-ci se dresse, réparation de la structure interne [H-XX] de l’Arbre de Vie peut avoir lieu unifiant Krist-AllaH en une seule Personne Polarisée !
[...] Paradoxalement, la formule 2+10=12 est délivrée, et ce, dans les deux sens du terme, pour surpasser toute altercation car quand on accole les double [L] ou double [A], gravés en miroir sur l'artefact divin, surgit le mot Állá, un Son Sacré mondialement émis en « Alla(h) » mais sans en connaître la signification originelle qui fut, elle-aussi, dévoyée.
[...] Nous retrouvons cette rigoureuse mécanique et mathématique dans la construction minutieuse de la parole divine comme cela nous l’est prouvé encore une fois au travers d’un mot-clé supplémentaire. Indubitablement, car si à la Source [V] est joint le vocable Alla en tenant compte bien entendu du chevron [S] qui le surplombe dans le Carré de Dieu, nous obtenons V+alla+S ou concrètement, Vallás qui se traduit par Religion.
Le verbe racine Vall, professer, confesser, est construit à partir d’Áll qui donna le verbe Állit (-it, suffixe) signifiant dresser, ériger, élever mais également soutenir, affirmer, assurer. Et qui dit professer, dit « reconnaître ouvertement et joyeusement ; honorer, célébrer, donner des louanges ; promettre, être d'accord, s'engager ». Vigilance, en français, confession vient du latin confessio, « témoignage ; reconnaissance ; attestation », et non pas, de fateor, « avouer, reconnaître sa faute, son péché » même si cette erreur s’enseigne à maints endroits !
Un constat s’impose. Vallás, la Religion Intérieure, permettant l’ « Érection » comme nous venons de le voir, pointe précisément dans la direction du concept « d’Élévation de Conscience ». Lorsque cet état kristique devient sien, l’Être Solaire Érigé Incorpore les notions, aujourd’hui, antinomiques, disparates de Krist et d’Alla(H). Car il prend conscience qu’elles ont été artificiellement séparées. Cette Incorporation lui permet ainsi de répandre et rayonner un Pur Potentiel Innovateur allant à l’encontre des traditions cultuelles pratiquant des cultes corrompus.
Serez-vous étonné d’apprendre que l’analyse sémantique du vocable Vallás donne le nombre 111, tenu pour être solaire dans la kabbale et le jeu du tarot ? Mais les concordances ne s’arrêtent pas là car 111 est reconnu correspondre tant au nombre du Pôle qu'à la valeur d’Aleph, la première lettre hébraïque.
René Guénon - Un hiéroglyphe du Pôle
Pour revenir sur certaines considérations qui se rapportent à la figure de la « pierre cubique à pointe » à laquelle nous venons de faire allusion, nous dirons tout d’abord que cette figure, dans des anciens documents, est complétée, d’une façon assez inattendue, par l’adjonction d’une hache qui semble posée en équilibre sur le sommet même de la pyramide. Cette particularité a souvent intrigué les spécialistes du symbolisme maçonnique, dont la plupart n’ont pu en donner aucune explication satisfaisante ; cependant, on a suggéré que la hache pourrait bien n’être ici autre chose que l’hiéroglyphe de la lettre hébraïque qoph, et c’est là que se trouve en effet la véritable solution ; mais les rapprochements qu’il y a lieu de faire à cet égard sont encore beaucoup plus significatifs si l’on envisage la lettre arabe correspondante qâf, et il nous a paru intéressant d’en donner un aperçu, malgré le caractère d’étrangeté que ces choses risquent de revêtir aux yeux du lecteur occidental, qui forcément n’est pas habitué à ce genre de considérations.
Le sens le plus général qui s’attache à la lettre dont il s’agit, que ce soit en hébreu ou en arabe, est celui de « force » ou de « puissance » (en arabe qowah), qui peut d’ailleurs, suivant les cas, être d’ordre matériel ou d’ordre spirituel (1) ; et c’est bien à ce sens que correspond, de la façon la plus immédiate, le symbolisme d’une arme telle que la hache. Dans le cas qui nous occupe présentement, c’est évidemment d’une puissance spirituelle qu’il doit être question ; ceci résulte du fait que la hache est mise en rapport direct, non avec le cube, mais avec la pyramide ; et l’on pourra se souvenir ici de ce que nous avons déjà exposé en d’autres occasions sur l’équivalence de la hache avec le vajra, qui est bien aussi, avant tout, le signe de la puissance spirituelle. Il y a plus : la hache est placée, non pas en un point quelconque, mais, comme nous l’avons dit, au sommet de la pyramide, sommet qui est souvent considéré comme représentant celui d’une hiérarchie spirituelle ou initiatique ; cette position semble donc indiquer la plus haute puissance spirituelle en action dans le monde, c’est-à-dire ce que toutes les traditions désignent comme le « Pôle » ; ici encore, nous rappellerons le caractère « axial » des armes symboliques en général et de la hache en particulier, qui est manifestement en parfait accord avec une telle interprétation.
Or ce qui est très remarquable, c’est que le nom même de la lettre qâf est aussi, dans la tradition arabe, celui de la Montagne sacrée ou polaire (2) ; la pyramide, qui est essentiellement une image de celle-ci, porte donc ainsi, par cette lettre ou par la hache qui la remplace, sa propre désignation comme telle, comme pour ne laisser subsister aucun doute sur la signification qu’il convient de lui reconnaître traditionnellement. De plus, si le symbole de la montagne ou de la pyramide est rapporté à l’« Axe du Monde », son sommet, où est placé cette lettre, s’identifie plus spécialement au Pôle même ; or qâf équivaut numériquement à maqâm (3), ce qui désigne ce point comme le « Lieu » par excellence, c’est-à-dire l’unique point qui demeure fixe et invariable dans toutes les révolutions du monde.
La lettre qâf est, en outre, la première du nom arabe du Pôle, Qutb, et, à ce titre encore, elle peut servir à le désigner abréviativement, suivant un procédé dont l’emploi est très fréquent (4) ; mais il y a encore d’autres concordances non moins frappantes. C’est ainsi que le siège (le mot arabe est markaz, qui signifie proprement « centre ») du Pôle suprême (appelé El-Qutb El-Ghawth, pour le distinguer des sept Aqtâb ou Pôles secondaires et subordonnés (5)) est décrit symboliquement comme situé entre ciel et terre, en un point qui est exactement au-dessus de la Kaabah, laquelle a précisément la forme d’un cube et est, elle aussi, une des représentations du « Centre du Monde ». On peut donc envisager la pyramide, invisible parce qu’elle est de nature purement spirituelle, comme s’élevant au-dessus de ce cube, qui, lui, est visible parce qu’il se rapporte au monde élémentaire, marqué par le nombre quaternaire ; et, en même temps, ce cube, sur lequel repose ainsi la base de la pyramide ou de la hiérarchie, dont elle est la figure et dont le Qutb occupe le sommet, est aussi, par sa forme, un symbole de la stabilité parfaite.
Le Qutb suprême est assisté des deux Imâms de la droite et de la gauche, et le ternaire ainsi formé se trouve encore représenté, dans la pyramide, par la forme triangulaire qui est celle de chacune de ses faces. D’autre part, l’unité et le binaire qui constituent ce ternaire correspondent aux lettres alif et be suivant les valeurs numériques respectives de celles-ci. La lettre alif présente la forme d’un axe vertical ; sa pointe supérieure et les deux extrémités en opposition horizontale de la lettre be forment, selon un schéma dont on pourrait retrouver des équivalents dans divers symboles appartenant à d’autres traditions, les trois angles du triangle initiatique, qui en effet doit être considéré proprement comme une des « signatures » du Pôle.
Ajoutons encore, sur ce dernier point, que la lettre alif est tout spécialement considérée comme « polaire » (qutbâniyah) ; son nom et le mot Qutb sont numériquement équivalents : alif = 1 + 30 + 80 = 111 ; Qutb = 100 + 9 + 2 = 111. Ce nombre 111 représente l’unité exprimée dans les trois mondes, ce qui convient parfaitement pour caractériser la fonction même du Pôle.
Ces remarques auraient sans doute pu être développées davantage, mais nous pensons en avoir dit assez pour que ceux mêmes qui sont les plus étrangers à la science traditionnelle des lettres et des nombres doivent tout au moins reconnaître qu’il serait bien difficile de prétendre ne voir en tout cela qu’un simple ensemble de « coïncidences » !
(1) La distinction entre ces deux sens est marquée en arabe par une différence dans l’orthographe du mot qowah pour le premier et qowâ pour le second. (2) Certains veulent identifier la montagne de Qâf au Caucase (qâf-qâsiyah) ; si cette assimilation devait être prise littéralement au sens géographique actuel, elle serait certainement erronée, car elle ne s’accorderait aucunement avec ce qui est dit de la Montagne sacrée, qui ne peut être atteinte « ni par terre ni par mer » (lâ bil-barr wa lâ bil-bahr) ; mais il faut remarquer que ce nom de Caucase a été appliqué anciennement à plusieurs montagnes situées en des régions très différentes, ce qui donne à penser qu’il peut bien avoir été originairement une des désignations de la Montagne sacrée, dont les autres Caucases ne seraient alors qu’autant de « localisations » secondaires. (3) Qâf = 100 + 1 + 80 = 181 ; maqâm = 40 + 100 + 1 + 40 = 181. En hébreu, la même équivalence numérique se retrouve entre qoph et maqom ; ces mots ne diffèrent d’ailleurs de leurs correspondants arabes que par la substitution de waw à alif, dont il existe de nombreux autres exemples (nâr et nûr, âlam et ôlam, etc.) ; le total est alors 186. (4) C’est ainsi que la lettre mîm, par exemple, sert parfois à désigner le Mahdî ; Mohyiddin ibn Arabi, notamment, lui donne cette signification dans certains cas. (5) Les sept Aqtâb correspondent aux « sept Terres », qui se retrouvent également dans d’autres traditions ; et ces sept Pôles terrestres sont un reflet des sept Pôles célestes, qui président respectivement aux sept Cieux planétaires.
[René Guénon, Symboles fondamentaux de la Science sacrée, chap.XV : Un hiéroglyphe du Pôle. Publié auparavant dans les Études Traditionnelles, mai 1937. Les deux figures ne faisaient pas partie de l’article].
René Guénon, également connu sous le nom d’Abd al-Wâhid Yahyâ, né le 15 novembre 1886 à Blois, en France, et mort le 7 janvier 1951 au Caire, en Égypte, est un métaphysicien français.
Nombre de messages : 5418 Date de naissance : 14/08/1962 Age : 61 Localisation : Belgique Date d'inscription : 25/05/2007
Sujet: Présentation du livre : L'Inde, entre bouddhisme et hindouis Ven 02 Jan 2015, 13:48
Quelles relations unissent le hindouisme et le bouddhisme ? Une façon simple de les présenter est d’affirmer que le bouddhisme serait né de l’hindouisme, du brahmanisme ancien. Le premier est alors présenté comme un mouvement réformateur, un rameau divergent ou encore une hérésie du second. Il convient toutefois de se rappeler qu’ils ont cohabité au long de quinze siècles en Inde – avant l’extinction du bouddhisme indien vers le XIIe siècle, puis sa lente réabsorption actuelle dans le monde hindou. La thèse défendue par l'auteur est qu'ils se sont engendrés mutuellement. Sans leur longue confrontation traversée d’intenses débats, ni l’un ni l’autre ne seraient ce qu’ils sont aujourd’hui devenus.
Jacques Scheuer nous offre ici un maître livre d'une grande clarté sur les relations entre hindouisme et bouddhisme. Historien des religions, Jacques Scheuer a enseigné les philosophies et les religions de l'Inde et de l'Extrême-Orient à l'Université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve).
La compétence de Jacques Scheuer dans le domaine du bouddhisme apparaît ici une fois de plus. La présentation qu’il nous donne est de première main et sa grande familiarité avec l’univers du Bouddha lui permet d’être très clair et donc facile à lire. Comme l’indique le titre, il s’agit d’un regard chrétien sur le bouddhisme et sur la fréquentation du bouddhisme par des chrétiens. On le sait, cette option comporte des risques : les auteurs chrétiens sont en effet tentés de chercher les concordances avec leur propre tradition et de privilégier les aspects du bouddhisme qui semblent les plus compatibles avec le christianisme. Mais dans le livre de Jacques Scheuer on peut constater tout que cette mise en parallèle peut, au contraire, avoir de positif. Car il existe un autre risque : en voulant faire une description tout à fait objective du bouddhisme (ou de toute autre spiritualité), on peut ne pas voir l’essentiel, qui est précisément la démarche spirituelle. Il existe en effet des descriptions très bien documentées du bouddhisme qui abordent l’histoire, la doctrine, les méthodes, la philosophie, l’art, etc., mais ne peuvent pas expliquer pourquoi tant de personnes, au cours de tant de siècles et jusqu’en notre âge postmoderne, ont pu être fascinées par le dharma bouddhique. Quand donc le bouddhisme est présenté dans le contexte de l’engagement spirituel des chrétiens, le lecteur est invité à situer sa compréhension au niveau le plus vrai, le niveau existentiel et spirituel. Il comprend ce que cette tradition vi-vante peut encore apporter aujourd’hui à ceux qui ont soif d’une vie spirituelle plus profonde, tant aux chrétiens qu’aux autres.
C’est pour cela que le livre de Jacques Scheuer tient une place particulière dans cette littérature désormais assez vaste. Il y tient, me semble-t-il, une place irremplaçable. En douze chapitres cette étude passe en revue douze questions existentielles qui nous concernent tous. Elle montre comment les diverses traditions bouddhiques se sont efforcées d’y répondre, chacune selon sa situation propre, mais aussi toujours en référence à l’expérience originelle de l’Eveillé. Il s’agit donc d’une présentation assez complète des développements variés du bouddhisme, à travers les régions et les siècles, mais également une initiation très pertinente à cette expérience fondamentale et toujours d’actualité. Celui qui n’est pas encore familier avec le bouddhisme y trouvera une bonne introduction et celui qui le connaît déjà bien pourra le revisiter grâce à une approche particulièrement éclairante. Cerf / "Les Éditions Lessius"
La Libre Belgique a écrit:
JACQUES SCHEUER
PROFESSEUR À L'UCL Lorsque des bouddhistes tournent leurs regards en direction de Jésus, c'est le plus souvent pour reconnaître en lui un maître de sagesse, un modèle de comportement éthique (non-violence, compassion) ou encore une grande figure spirituelle (malgré la singulière discrétion des Évangiles sur la vie intérieure de Jésus, son expérience mystique ou ses `méthodes´ de méditation). Dans ces différents registres, des bouddhistes pourront esquisser des rapprochements ou suggérer des parallèles entre Jésus le Christ et Gautama le Bouddha ou, plus volontiers, entre certains points de leurs enseignements. Fait surprenant pour un chrétien, les récits de la mort de Jésus et le message de sa résurrection paraissent retenir moins l'attention. Cela tient pour une part à ce que les événements historiques revêtent aux yeux d'un bouddhiste moins d'importance que les enseignements ou la pratique spirituelle: ce ne sont, en fin de compte, que des épisodes anecdotiques, peu significatifs par eux-mêmes. On peut, en outre, se demander si les chrétiens ont su trouver le langage qui leur permettrait de se faire comprendre des bouddhistes. Or, l'image même de la mort de Jésus risque fort de masquer le message de Pâques. Le tumulte de la souffrance et de la croix couvre l'annonce de la résurrection. Qu'il soit permis à un chrétien de faire ici brièvement écho à quelques réactions de bouddhistes. Un auteur de Sri Lanka l'a noté: dans bien des pays d'Asie (et d'Occident?), l'image qui s'impose à l'observateur ou au voisin non chrétien, c'est celle de la croix: crucifix dans les maisons ou les écoles, `calvaires´ parfois spectaculaires près de l'entrée de tant d'églises. Cette surexposition de la souffrance, du sang et de la mort est d'abord ressentie comme une faute de goût, d'autant plus choquante qu'on n'en saisit pas le sens. Bien vite s'insinue en outre une question inévitablement suggérée par la loi du `karma´: de quelles fautes graves, de quels crimes cachés Jésus, cet homme par ailleurs admirable, s'est-il rendu coupable dans l'une ou l'autre de ses vies antérieures, de sorte que le `fruit´ ou la rétribution de ces actions négatives vienne enfin le rejoindre sous la forme de torture et de mort? Dans le monde chinois, en outre, cette mort infamante, en exécution d'une sentence de condamnation prononcée par les autorités, désigne Jésus comme un criminel mis au ban de la société. De quelque côté que l'on regarde ces événements violents et tragiques, on n'aperçoit que signes de mauvais augure et constat d'échec. De là, ce contraste tant de fois souligné: d'un côté, la silhouette torturée et la face douloureuse de Jésus en croix; de l'autre, le visage serein du Bouddha assis en méditation ou, au soir de sa vie, s'allongeant calmement pour disparaître à nos yeux dans la paix du nirvâna. Quelques maîtres bouddhistes ont tenté récemment de reconnaître un sens à ces souffrances et cette mort. Ainsi Bouddhadâsa, un moine thaïlandais, y voit un enseignement en actes: seul un détachement total de notre petit moi égocentré, un renoncement sans réserve à toute velléité de pouvoir, d'appropriation et d'orgueil, mettent sur la voie de la paix, par-delà les désirs illusoires qui nous habitent et les images de nous-mêmes auxquelles nous nous accrochons. Le comportement héroïque de Jésus jusque dans la mort ne rappelle pas seulement une loi de la vie spirituelle: il manifeste aussi la profonde compassion qui l'animait. Dans cette perspective, des bouddhistes reconnaissent volontiers au Christ des qualités et vertus caractéristiques du `Bodhisattva´, cet `Etre d'Éveil´, ce disciple du Bouddha déjà très avancé sur la voie de la sagesse et qui n'a plus d'autre objectif que de contribuer à la libération de tous les êtres. Pas d'Éveil, en effet, pas de délivrance sans mort à soi; mais aussi: pas de sagesse qui ne s'exprime spontanément en compassion à l'égard de tout être prisonnier de la souffrance. C'est ici que la résurrection peut prendre sens: ni `happy end´, ni sauvetage de dernière minute, ni rétribution du `bon karma´. La résurrection manifeste plutôt, dans tout l'être de Jésus et jusqu'en son corps, cette transparence à laquelle aucun attachement, aucun retour sur soi, ne fait écran. Dans cette dynamique de la résurrection, dans cette libre spontanéité, se reconnaît l'oeuvre de l'Esprit de Jésus. Cet Esprit, ainsi que le note le moine vietnamien Thich Nhat Hanh, est la clé qui nous ouvre la compréhension de l'être de Jésus et de sa relation à Celui qu'il appelle son Père. Là se trouve aussi la clé de la vie en Christ. Ne l'oublions pas, en effet: au regard du bouddhiste, comme d'ailleurs aux yeux du chrétien, la dynamique de l'Éveil n'a de sens que si elle est offerte à tous en partage. Considérée comme un cas isolé, la résurrection de Jésus n'aurait pas de sens. C'était déjà l'expérience de Paul, pour qui le vieil homme est mort, faisant place à un homme nouveau: `Je suis crucifié avec le Christ; et si je vis, ce n'est plus moi, mais le Christ qui vit en moi´ (Galates 2, 19-20).
AMBRE
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Sujet: LA GNOSE CHRÉTIENNE, OU LA GÉMELLITE SACRÉE Lun 11 Juin 2018, 20:54
LA GNOSE CHRÉTIENNE, OU LA GÉMELLITE SACRÉE Yves Albert Dauge : Trois miroirs de la sagesse
La Gnose chrétienne prend sa source dans l’enseignement oral de Jésus, particulièrement dans celui qu’on a appelé l’« Évangile des quarante jours » (dispensé entre Résurrection et Ascension). Les éléments s’en retrouvent, fort inégalement traités d’ailleurs, dans le canon néotestamentaire, ainsi que dans le vaste ensemble des Apocryphes du Nouveau Testament (l’Évangile selon Thomas, l’Évangile selon Philippe, l’Apocryphon de Jean, l’Évangile de Vérité, les Actes de Jean, les Actes de Thomas, — qui contiennent le fameux « Chant de la Perle » —, la Pistis Sophia, etc.). Chose difficile, mais indispensable, il faut distinguer la pure Gnose chrétienne de ses déformations, tant parmi les divers courants du « gnosticisme » (sous le triple signe de la contamination, de la complication et de la dégradation) que dans la prédication de l’Église officielle (prise en charge, et même confiscation du message par un clergé autoritaire). On peut dire que les trois Évangiles « ésotériques » majeurs sont celui de Thomas, exposant la voie directe de la « déification », celui de Jean, traitant de la connaissance du « Fils de Dieu », et celui de Matthieu, parlant de la constitution de la « race du Cœur » et de la Cité sainte. Après la grande mutation du christianisme au IVe siècle, la Gnose s’occulte, mais elle survit dans l’élite monastique et mystique, davantage, il est vrai, en Orient (tradition orthodoxe, hésychasme , Philocalie) qu’en Occident (Maître Eckhart, J. Boehme, Angelus Silesius).
Il est plutôt périlleux de vouloir résumer un tel enseignement en peu de lignes. Tentons au moins de présenter quelques thèmes essentiels. Pour reprendre la double interrogation d’où découle la Cabbale : Mî ? (Qui ?) et Mah ? (Quoi ?), s’agissant cette fois de Jésus, nous poserons deux questions fondamentales : Qui est-il ? Qu’apporte-t-il ?
Le Christ comme axe de l’être et cœur du dynamisme universel
QUI ? Jésus demandait à ses disciples, pour les éprouver : « Qui dit-on que je suis ? Et à vos yeux, qui suis-je ? » (Luc 9, 18 & 20).
La Gnose répond : le Jésus de l’histoire est une manifestation capitale, décisive, du Christ universel, c’est-à-dire du Principe même de la création, de la vie et de la réintégration de tous les êtres. Ce Jésus-Christ est à la fois Avatar (= descente du Divin à travers les plans ontologiques), Médiateur entre le monde de l’émanation et celui de l’incarnation, « Sauveur » irradiant aussi bien l’Esprit de Connaissance (Logos, Vérité, Loi) que l’Esprit d’Amour (Agapè, Vie, Grâce), Archétype de l’Homme Parfait, Maître de sagesse enseignant la voie fulgurante de la déification, et modèle du roi (impérialité) — esclave (sacrifice) — artiste (transmutation).
Le Logion 77 de l’Évangile selon Thomas révèle avec une extraordinaire netteté les trois aspects complémentaires majeurs de cet être souverain :
« Jésus a dit : Je suis la Lumière, celle qui est au-dessus de tous.
Je suis le Tout : le Tout est sorti de moi et le Tout est revenu jusqu’à moi. Fends le bois, et je suis là ; lève la pierre, et tu me trouveras là. »
Jésus se définit ainsi comme
1) étant au dessus de tout (identique au « Je Suis » de l’Exode, il plonge dans l’Incompréhensible et l’Ineffable) : c’est le Christ transcendant ;
2) agissant a travers tout (Verbe artiste et Pantocrator, il fait circuler les Énergies divines) : c’est le Christ cosmique ;
3) vivant au-dedans de tout (omniprésent, il constitue en chacun d’entre nous le Cœur de son cœur) : c’est le Christ intérieur.
Ce triple pouvoir fonde l’essence et le dynamisme de tous les modes de l’être, les appelant à la manifestation comme au retour, les mettant en communication et en harmonie. Mais l’important est que ce « Qui ? », cette immense entité, se trouve être pour l’homme — microcosme et microthéos, puissance médiane et médiatrice — le modèle par excellence. « Quand il s’agit du Christ, c’est de Moi qu’il s’agit », se dit le vrai gnostique. Aussi doit-il reconnaître le Christ intérieur, qui est le Soi, imiter le Christ cosmique dans son art salvateur et transfigurateur, et se rapprocher au plus près du Christ transcendant, du « Je Suis ».
La Gémellité sacrée et la communauté des Isochrists
John G. Bennett, dans Les Maîtres de Sagesse (Le Courrier du Livre), distingue quatre Traditions fondamentales : celles de la Grande Mère, du Grand Esprit, du Dieu Créateur, et du Dieu Sauveur.
Or, tout en les intégrant, la Gnose chrétienne les dépasse par une cinquième, proprement ésotérique, et révélée dans sa plénitude par Jésus : celle du Dieu Père et du Dieu Fils, qui revient à poser l’homme comme Jumeau du Christ, et donc comme Alter Ego de Dieu. « Chacun doit être le Christ », déclare Angelus Silesius, le prince de la mystique allemande (XVIIe s.). Pour qui a compris cet enseignement, Dieu se présente comme une « duellité », un Bipôle, un « couple » indissoluble, infrangible, éternel, constitué par LUI-Dieu-Père, le « Je Suis » personnel et transpersonnel, et par MOI-Dieu-Fils, figurant un Je divin émané du Père, créé, formé par Lui, projeté dans le monde matériel, et rappelé en Lui. En effet, l’être humain est fils de Dieu, et sa vocation est de devenir « semblable à son Père (cf. Év. selon Thomas 3, 50 & 99), c’est-à-dire un véritable jumeau de Jésus le Christ. « L’homme », disait saint Basile, « est une créature qui a reçu l’ordre de devenir Dieu » ; et Novalis affirme : « Enfants de Dieu, germes divins nous sommes. Un jour nous serons ce que notre Père est. » C’est Angelus Silesius qui a découvert les plus belles expressions pour faire saisir ce mystère : « C’est une vérité certaine, Dieu n’aime que Lui, et celui qui peut être son autre Moi en son Fils » (Pèlerin chérubinique, II, 45) ; « Je suis l’autre Moi de Dieu, c’est en moi seul qu’Il trouve ce qui Lui sera semblable et analogue de toute éternité » (I, 278) …
Cette doctrine de la Gémellité sacrée fut, l’origine, particulièrement liée à la personne de l’apôtre Thomas, dont le nom, en araméen, signifie « jumeau », de même que l’appellation grecque Didyme qui le qualifie également (voir le Livre de Thomas l’Athlète, l’Évangile selon Thomas. et les Actes de Thomas). Dans ces derniers, un ânon s’adresse à l’apôtre en ces termes : « Frère jumeau du Christ et envoyé du Très-Haut, initié aux mystères du Verbe caché et dépositaire de ses enseignements secrets, collaborateur du Fils de Dieu… » (39). Quant à l’apôtre lui-même, il dit à jésus : « C’est toi qui m’as appelé à l’écart de mes compagnons et qui m’as dit trois paroles, desquelles je suis embrasé et que je ne suis point capable de dire à d’autres » (ibid., 47). Ceci est une allusion « trois mots » flamboyants confiés à Thomas par Jésus au cours d’un entretien portant sur le mémorable « Qui dites-vous que je suis ? » (Év. selon Thomas 13) : ils devaient être l’équivalent de « Je suis Toi », ou « Nous sommes un » (cf. ibid., 108 : « Celui qui s’abreuvera à ma bouche deviendra COMME MOI »).
Voilà donc le thème, essentiellement gnostique, de l’Isochrist : il se lit aussi en bien des passages néotestamentaires (cf. Luc 17, 21 ; Jean 14, 12 ; Galates 2, 20 ; I Jean 3, 2), et il a inspiré nombre d’esprits profonds et audacieux, en Occident et en Orient. Ainsi la réponse à la question fondamentale « Qui ? » ne concerne pas seulement Jésus mais tout homme vivant en ce monde : prise de conscience d’une identité et d’une vocation. Il va de soi, d’ailleurs, que l’attention du gnostique n’est pas uniquement polarisée par le couple « Lui-Moi ». Il considère chacun de ses semblables dans cette même perspective « divine », et se conforme cette « parole non écrite » du Seigneur : « Après Dieu, tiens tout homme pour Dieu ». Le Corps mystique se comprend alors comme union de tous les Fils de Dieu dans le Fils « unique », c’est-à-dire comme pluri-unité, ou fusion sans confusion.
Le secret de la Voie fulgurante
QUOI ? Jésus a dit : « Je suis venu apporter le Feu (divin) sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé (dans tous les Cœurs)! » (Luc 12, 49),
ou encore : « Je suis venu jeter un Feu sur le monde ; et voici, je veille sur lui jusqu’à ce qu’il (i.e. le feu, ou le monde) brûle » (Thomas 10). C’est là le Feu sacré, artiste, des Énergies divines, dont l’homme doit se rendre capable pour s’intégrer dans le circuit de la Lumière, et pour changer le monde.
« Chez Dieu », dit Angelus Silesius, « il n’y aura que les dieux de reçus » (V, 219). Aussi le Christ a-t-il confié à quelques disciples, pour qu’ils les utilisent et les transmettent, les clefs de la « puissance royale divine » (Matth. 13, 19 : c’est bien souvent le vrai sens du terme « Royaume »), ou de la déification. Il s’agit en fait de provoquer une intensification maximale de la force du Cœur et de l’Esprit afin de parcourir la Voie fulgurante de la transfiguration en une seule existence : vaincre le corps, la psyché et l’ego, brûler tout karma, éviter toute transmigration, laisser librement passer en soi les ondes de feu de l’Amour divin (cf. les thèmes du Graal et du Verseau). Par sa vie, sa mort, sa résurrection, le Fils de Dieu a d’ailleurs donné lui-même l’exemple du processus alchimique parfaitement réussi (cf. la « voie sèche » de l’Ars Magna).
Plus précisément, pour arracher l’être à la gravitation matérielle, le Christ aide ses fidèles à développer en eux trois pouvoirs indissociables : de recevoir, de connaître, et d’aimer.
Recevoir, c’est se rendre disponible, par la volonté et la kénose (« se vider de soi » pour être empli par le Divin) : « Le royaume de Dieu n’est à personne, si ce n’est au mort parfait », dit Maître Eckhart, évoquant à sa manière le « libéré vivant ».
Pouvoir de connaître, par la mémoire (la prière du Cœur) et la dialectique (= dynamique d’intégration des complémentaires : cf. Thomas 22) : « Seul le semblable connaît le semblable » (Voir Pèlerin Chérub., IV, 21).
Pouvoir d’aimer, fruit de la libération et de la connaissance, cime du christianisme ; ce « commandement nouveau » (Jean 13, 34) se traduit par le triple amour suressentiel : de Dieu, de Soi-même (non le moi, mais le Je divin), et des autres.
Si l’on ajoute à cela 1) l’utilisation correcte des énergies contenues dans le Nom (Y H W H, qui se déploie en Y H Sh W H = Jésus) ; 2) la possession du « regard divin », qui perçoit partout l’irradiation de la Lumière incréée, et 3) l’art de la Paix, sorte de toute-puissance bénéfique découlant de la plénitude intérieure, on aura une vue générale des caractéristiques de cette Voie.
Celui qui s’est avancé jusqu’à son terme, qui s’est réalisé, est celui que l’Évangile selon Thomas appelle un monakhos (origine de notre « moine ») : l’être unifié, unique, et uni à l’Un. C’est aussi ce Parfait que définit le Jésus de la Pistis Sophia (1. II, ch. 96) : « En vérité, je vous le dis, chaque homme qui recevra ce mystère de l’Ineffable et l’accomplira dans tous ses types et toutes ses figures, est un homme qui est dans le monde, mais qui a excellé au-dessus des Anges… C’est un homme qui est dans le monde, mais il est devenu roi dans la Lumière… En vérité, je vous le dis : cet homme est Moi et Je suis cet homme. » Recevoir le mystère de l’Ineffable, c’est se rendre capable de Dieu et de ses Énergies, ce qui est la clef de toute création et de toute transfiguration. Un tel être est au monde sans dépendre du monde — thème essentiel de la Gnose ; il est roi, prêtre et prophète au sein de l’Église invisible ; il est le jumeau du Christ universel. « Se tenant sur terre, tel un médiateur, il conduit à Dieu toute créature » (saint Grégoire Palamas), véritable agent de réintégration du cosmos en Lui.
Angelus Silesius dira, dans sa splendide concision : « Si tu as le Créateur en toi, tout court après toi, homme, ange, soleil et lune, air, feu, terre et ruisseau » (V, 110).
Voilà ce qu’enseigne la Gnose chrétienne, révélée par Jésus le Nazaréen, et s’adressant directement au Cœur de chacun.
Trois miroirs de la sagesse par Yves Dauge (Revue 3e Millénaire. Ancienne Série No 3. Juillet-Août 1982) suite et source Révélateur, cet aphorisme de Nietzsche : « Trois penseurs égalent une araignée. — Dans toute secte philosophique, trois penseurs se succèdent dans le rapport suivant : le premier engendre par lui-même le suc et la semence, le second en tire des fils et tisse une toile artificielle, le troisième s’embusque dans cette toile et guette les victimes qui s’y aventurent — pour vivre aux dépens de la philosophie. » Or, ceci s’applique aussi bien au phénomène religieux.
Au départ, il y a les éveils prodigieux, les expériences fulgurantes, l’irruption des énergies divines à travers des personnalités pleinement réalisées. Il y a les Maîtres de sagesse, et l’invitation universelle à les imiter. Puis des disciples codifient le message, structurent une communauté, établissent des règles et des distances, s’interposant entre les hommes et la lumière. Divinisé, le maître s’éloigne ; il est remplacé par un clergé avide de puissance, qui s’approprie l’autorité et « cache les clefs de la connaissance ». L’église alors a éclipsé le Royaume : une religion — ou une secte — est née, déformation psychologique et sociale de l’unique Vérité, et un peuple domestiqué de fidèles, aliénant sa responsabilité au profit des hiérarchies, des dogmes et des rites, achève de dénaturer le Divin par son ignorance et ses passions. Cependant, au sein même des religions, la Gnose malgré tout persiste, se transmet, illumine, grâce à une petite élite de libres esprits ; régulièrement combattus et persécutés par l’orthodoxie officielle, ils lui évitent pourtant une complète pétrification.
Dans notre aire culturelle, qui s’étend de l’Iran à l’Irlande, trois religions se sont ainsi établies, à partir de Maîtres de sagesse, de révélations décisives, d’enseignements fondamentaux : le judaïsme, le christianisme et l’Islam. Et, comme il est naturel, leur noyau flamboyant a sans cesse été occulté, mutilé ou rejeté par les institutions, les clergés et les masses. Aussi n’ont-elles guère amélioré l’homme ni la vie, et aujourd’hui la crise qui les ébranle menace de les faire voler en éclats. Mais leur Feu originel, toujours vivant, peut reprendre force au souffle de l’Esprit. Il suffit de vraiment le libérer de tout ce qui l’étouffe pour faire réapparaître l’« Ange personnel de la Connaissance », pour rouvrir la voie héroïque et gnostique vers le Soi, pour rendre manifeste et efficace la profonde complémentarité de ces trois courants spirituels majeurs. Proposons, sur ce thème, quelques réflexions dans une intention essentiellement constructive.