Bonjour à tous,
Je voudrais vous faire connaître une soeur de lumiére,
Dorothy Carrington:
La vie de Dorothy Carrington est comme un roman dont la trame s'était nouée un matin de juillet 1948, lorsqu'à sa descente du « ville d'Ajaccio », qui venait d'accoster quai l'Herminier, elle eut « une certaine vision de la Corse »...
Auteur de nombreux ouvrages sur l'ile qui la faisait rêver, elle s'est éteinte à 92 ans.
Lady Rose a choisi de rester en Corse !
Émerveillée par la beauté du golfe, elle s'écria : « Je n'oublierai jamais mon arrivée à Ajaccio, à l'aube. Je revois encore la Corse surgir de l'eau comme dans un rêve fabuleux. La ville était ravissante, sortie d'un conte. Ce fut un véritable choc. Mon mari, le peintre sir Francis Rose, partagea avec moi cette émotion. Quand un ami, rencontré à Londres, Jean Cesari, m'avait invité au voyage, j'imaginais une terre quasi déserte, à la nature torturée. Et, soudain, la réalité d'un pays fascinant me prenant à la gorge, mon enchantement devait s'amplifier au fil du chemin », confiait Dorothy Carrington à Jean-René Laplayne, directeur de La Corse votre hebdo.
« En Corse, j'ai retrouvé le paradis perdu »
Investie dans l'écriture, Lady Rose publie ses premiers livres en Angleterre où ils connaissent très vite un franc succès, notamment « Granit insland » qui sera d'ailleurs traduit en Français peu après : « Écrire ? J'ai surtout besoin de communiquer une certaine vision de la Corse, méconnue et sous-estimée. J'ai l'impression d'avoir toujours appartenu à la Corse. Dans mon esprit, ce pays est le mien. D'ailleurs, je n'ai jamais pu m'expliquer ça : j'ai retrouvé ici le paradis perdu. Nous, les Anglais, nous avons l'amour de la nature en nous. »
Dorothy Carrington aime à rappeler que ce jour de juillet 1948, en arrivant en Corse, c'était pour visiter le site de Filitosa, ce haut lieu alors ignoré de la civilisation insulaire. On lui doit d'ailleurs la découverte de ces vestiges mégalithiques qui sortirent Filitosa de l'ombre : « C'est merveilleux. Pour moi, ces menhirs, uniques en leur genre, sont l'expression même de l'art corse. J'ai l'impression qu'ils expriment la spécificité du génie corse. Je les ai simplement signalés » disait-elle, modeste.
La passion de la Corse n'est pas un exercice de style pour lady Rose qui a parcouru l'ile à pied, à cheval et en voiture. Elle en connaissait tout le relief, le moindre recoin, la plus petite bergerie, sans doute mieux que bien des Corses.
Pascal Paoli et i Mazzeri
En quelques semaines, Dorothy Carrington décide de vivre en Corse, de ne plus la quitter, car il y a deux autres sujets qu'elle désire profondément approcher de près : Pascal Paoli et i mazzeri.
Elle va entamer des études très approfondie sur le « babbu di a patria. » Paul Silvani rappelle que ses recherches sur Pascal Paoli ont nécessité plusieurs voyages aux archives de Londres où elle retrouva de nombreux écrits totalement inconnus, notamment ceux relatifs à la période du royaume Anglo-Corse (1794-1796). Autant de travaux qui ont incité Dorothy Carrington à présenter un exposé en 1970 à Moscou qui fut salué par la presse internationale. Elle écrivit peu après un ouvrage consacré aux Bonaparte : « Napoléon et ses parents » édité aux Etats Unis et qui obtint un prix. Les éditions Alain Piazzola publièrent le livre en français.
Depuis deux ans, Lady Rose travaillait sur un ouvrage consacré à Charles Bonaparte, le frère de Napoléon. Il pourrait être édité prochainement.
Autre monument qui a fasciné Dorothy Carrington : i Mazzeri. Elle assurait avoir rencontré des « chasseurs d'âmes » à la réhabilitation desquels elle s'attacha, car victimes de préjugés : « Un phénomène purement corse qui n'existe nulle part ailleurs. Les mazzeri sont supposés entretenir des relations privilégiées avec des esprits. On leur prête le don d'ubiquité. » Lady Rose était intarissable sur le sujet. Dans son livre, elle raconte même sa rencontre avec un mazzeru dans la région de Filitosa.
En 1991, Dorothy Carrington devient la première docteur honoris causa de l'université de Corse pour ses écrits primés sur la Corse. Dans la foulée, elle reçoit, au nom de la Reine d'Angleterre, des mains du consul général de Grande-Bretagne, l'insigne de membre de l'Empire Britannique pour ses travaux de recherche sur l'ile de Beauté depuis un demi-siècle.
Il y a deux ans, alors qu'elle fêtait ses 90 ans, ses amis de l'association « A Bandera » lui avaient offert, en même temps qu'un énorme bouquet de roses blanches, la biographie de la Reine-Mère, son ainée de dix ans.
Elle expliqua ce jour-là son coup de foudre pour la Corse par ces quelques mots : « Les inattendus de la Corse m'ont rendu la vie fascinante ».
Dorothy Carrington, qui évoquait volontiers le thème de la mort, disait vouloir être enterrée sur cette terre de Corse qu'elle découvrit un matin de juillet 1948.
Sa volonté sera respectée.
José FANCHI - CORSE MATIN du samedi 26 Janvier 2002