La voix de l'amoureux - Ethique et art de la relation - Un concept élaboré par Arouna LipschitzExtraits de
Dis-moi si je m’approche
un livre qui m a beaucoup touché!:
"Trop de gens, à force de se chercher eux-mêmes, ne finissent par rencontrer qu’eux ! Là encore, soyons francs : on passe souvent plus de temps à se délecter de sa sensation d’être amoureux qu’à aimer vraiment."
"Souviens-toi ; Se souvenir est une grande douleur et une grande bénédiction pour celui qui ne veut plus être celui qu’il était. Souviens-toi d’hier, pour choisir aujourd’hui un nouveau lendemain."
L’amour ! Sujet universel et rebattu, me direz-vous. Sans doute, mais je le traite à rebours en déclarant haut et fort que pour être un bon amoureux, l’amour ne suffit pas. Les cabinets de thérapeutes, les stages de développement personnel sont pleins de gens qui l’ont remarqué, comme la plupart d’entre vous sûrement.
En ce qui me concerne, après moultes histoires d’amour malheureuses, je suis arrivée à la conclusion qu’au-delà des stratégies thérapeutiques, c’est au philosophe qui nous habite qu’il faut s’adresser pour repenser la question du bonheur amoureux. Car le cœur sans pensée fait naufrage. Le devoir sans plaisir éteint le désir. La morale sans éthique personnelle assèche les sentiments.
C’est bien une philosophie de la relation que je tente d’élaborer aujourd’hui, en offrant à votre réflexion un nouveau courant de pensée : la Voie de l’amoureux.
http://www.arouna.com/livres.php
Des clés pour mieux aimerArouna Lipschitz, écrivain et « philosophe de la relation », a longtemps été professeur de yoga et swami (femme prêtre dans la culture indienne). Elle enseigne aujourd’hui la « Voie de l’amoureux », qu’elle décrit notamment dans son livre "52 Clés pour vivre l’amour" (éd. Dervy). De la case départ (chagrins et plaisirs d’amour) à l’accomplissement des « amants pour la vie », qui ne cessent de se quitter et de se retrouver, en spirales ascendantes, elle y trace les grandes étapes d’une nouvelle carte du Tendre, illustrée par les calligraphies de Luc Templier. Entre ces deux extrêmes, se déploient toutes les étapes intermédiaires : préparer le terrain quand on rêve d’une rencontre, la transformer en relation, cultiver l’éros, dépasser "la grâce hormonale" pour que ça dure, renoncer à la perfection, se jouer des obstacles, faire bon usage des crises, oser la rupture, apprendre à bien se quitter... En ces temps de « consommation rapide », le moment n’est-il pas venu d’accorder un véritable statut à l’amoureux ? De prendre au sérieux l’éros, la pulsion amoureuse qui nous habite, de trouver sage finalement d’ajouter un parfum d’infini au plaisir ?
Nouvelles Clés : Ce n’est pas votre premier livre sur l’amour...
Arouna Lipschitz : Non, mais les autres étaient un peu plus autobiographiques, alors que celui-là ressemble plus à une synthèse, à une série de petites clés sur la carte du chemin amoureux. L’idée m’est venue par Nicole Lattès, qui me disait qu’il était temps, que j’avais l’âge d’aider les gens à mieux vivre la relation amoureuse. C’était dur, parce que j’aime écrire et travailler mes textes comme des romans, alors que là, il m’a fallu sortir la boite à outils. Aider les amoureux sur la nouvelle carte du tendre. J’ai puisé dans mon histoire personnelle, sans compter mon parcours psychanalytique, mon chemin spirituel, tout ce que j’ai appris et compris sur la relation amoureuse.
N.C. : Il y a 52 clés, une par semaine, et on parcourt une rencontre entre un homme et une femme de bout en bout. Ça commence par la partie « Avant la rencontre », qui offre dix clés. Puis vient la partie « De la rencontre à la relation »...
A.L. : Parce que souvent on gâche ses rencontres, parce qu’on n’arrive pas à transformer la chance qu’on a eue, parce qu’on a peur, parce que mille et une raisons et que donc il y a un passage très délicat, pour aller de la rencontre à la relation. Ensuite, « Comment faire durer une relation » ou comment faire qu’elle demeure une relation amoureuse dans la très longue durée. L’usure du temps nous interpelle beaucoup. Comment maintient-on l’eros, comment on maintient une vraie relation pendant cinq, dix, vingt ans. Puit vient l’état de crise, parce qu’il n’y a pas de relation sans rupture, changement à l’intérieur du couple. Quelquefois il faut rompre pour recommencer plus haut ailleurs, pris dans une spirale ascendante. Et c’est vrai qu’on ne peut pas faire l’économie du « bon usage des crises », pour reprendre la formule de Christiane Singer.
N.C. : Reprenons quelques exemples. Une des premières cartes, c’est « Aimer, ça s’apprend ».
A.L. : Ah, c’est le credo de base ! Si on prend le livre, si on pense que l’amour n’est qu’une question de battement de cœur et que certaines personnes sont douées de naissance, on confond alors l’amour initial et la vraie conjugaison du verbe aimer au quotidien. C’est vrai que l’amour ne se force pas et nous tombe dessus. Savez-vous que l’expression « tomber en amour » est entrée cette année dans le Littré et le Grand Larousse ? On commence donc par tomber en amour. Mais on n’est pas tout de suite un amoureux ! Pour le devenir, et maintenir cette pulsion amoureuse, qui est la traduction même du mot eros, tout le long d’un chemin, là, il faut apprendre le verbe aimer au quotidien. Je trouve que ça devrait être inscrit dans les programmes de toutes les écoles. C’est de l’apprentissage et de l’aide à la relation. Ça s’apprend, oui.
N.C. : Je me souviens d’une conversation avec une femme plus âgée que moi, quand j’avais 25 ans, qui me disait que c’était plus facile à comprendre pour une femme que pour un homme...
A.L. : Tout à fait ! Alors là, on entre dans un point très délicat que je souligne souvent : c’est vrai qu’il faudra peut-être admettre un jour que les femmes sont, pour des raisons à la fois culturelles, archétypales, biologiques, psychologiques, plus douées que les hommes dans la relation. Les hommes ont été des guerriers, des chasseurs, et ce sont les femmes qui, depuis l’origine des temps, étaient plus dans le champ relationnel. Du coup, les femmes savent beaucoup mieux de quoi on parle quand il est question de relation. Et un homme a donc encore plus besoin qu’une femme d’accepter qu’il a à apprendre, que ça n’est pas une évidence, qu’on apprend à être en lien, à créer un lien, à l’entretenir et pas le détruire. Et là arrive la grande idée, souvent difficile à accepter, qu’un homme peut apprendre d’une femme. Votre histoire n’est pas rare. Ça donne une grande chance au couple quand un homme accepte qu’il a à apprendre d’une femme dans le domaine de la relation.
N.C. : En général, on apprend qu’il faut apprendre au moment où ça s’écroule...
A.L. : Eh bien c’est ça ! C’est donc la première clé : on apprend malheureusement plus de nos souffrances que de l’envie d’apprendre, j’allais presque dire qu’on aurait besoin d’une réflexion avant d’aller sur le terrain. Il faut préparer le terrain, mais nous n’avons pas été éduqué dans ce sens et nous n’y pensons pas spontanément. Il n’existe pas d’éducation à la relation.
N.C. : Quand ça s’écroule, on se dit : « C’est décidément une jungle bien cruelle ! » Et la réponse arrive : « Ce n’est pas une jungle, c’est un jardin. »
A.L. : Absolument. C’est tout un art de passer de la jungle au jardin. Il y a énormément de choses à apprendre et j’aime beaucoup cette métaphore naturelle. La nature obéit en partie aux mêmes lois. Par exemple, on ne peut pas récolter des roses si on a planté des orties. Si on comprend que c’est la même chose en amour, on n’est déjà plus dans le même couple. On est responsable de sa rose et de ce qu’on sème.
N.C. : De temps en temps on tombe sur une carte magique, comme celle qui dit : « Demandez, vous recevrez ! »
A.L. : J’y crois beaucoup. Très souvent, on n’est pas clair avec ses désirs, et après on s’étonne de ce qu’on reçoit ! Alors qu’il y a un jeu d’énergie d’inconscient à inconscient avec l’univers, qui fait que, quelque part ce qu’on a demandé clairement se trouve exaucé. Si on a réussi à formuler son souhait, plus on a de chance d’entrer en résonance avec ce qu’on a attiré. De plus, je vais vous dire mieux : souvent, on refuse même de demander, parce que c’est reconnaître qu’on a besoin de l’autre et donc se mettre en situation de vulnérabilité. C’est l’une des premières règles du chemin amoureux. J’ai besoin de toi. On n’est donc pas désirant, et du coup, il ne faut pas s’étonner qu’eros se fasse des sacs de nœuds.
N.C. : On nous conseille généralement de ne pas nous retrouver « en demande », de ne pas nous avilir à mendier.
A.L. : L’idée du mendiant d’amour remonte au Moyen âge, mais c’était quelque chose de très noble. Il fallait oser mettre un genou à terre et dire : « J’ai envie, j’ai besoin, je souhaite une rencontre ! » Il ne faut pas confondre la main tendue et la main avide. C’est une attitude réceptive, ouverte, « je supplie tous les dieux de me l’amener ! » Dans mon parcours, j’ai traversé dix années de vie spirituelle, en robe orange. J’étais dans un état de chasteté volontaire complète. Et je peux vous dire que pendant ces dix ans, personne ne m’a regardée. Pourtant j’étais dans ma trentaine et je n’étais pas la personne la moins regardable. Mais je n’ai pas attiré le moindre geste, le moindre bouquet de fleurs. Mais le jour où j’ai décidé qu’il était temps de mettre ma robe orange au placard et de vérifier ma spiritualité dans la relation amoureuse et de me remettre en quelque sorte « sur le marché », eh bien, il ne s’est pas écoulé plus de quinze jours avant que je rencontre quelqu’un, alors que j’avais déjà dépassé la quarantaine.
N.C. : Donc l’intention profonde oriente notre vie ?
A.L. : L’intention est une énergie. En hébreu, le mot qui veut dire réalisation, itgachmout, de la racine geshem, signifie que, quand la pluie tombe, elle ne s’écoule que dans le sillon qu’on a tracé, parce qu’elle va suivre la rigole. L’intention est une manière de creuser le sillon. Ça ne veut pas dire qu’il faille courir pour tout contrôler, non, on creuse le sillon et après, on attend tranquillement. Et il pleut des bénédictions - c’est-à-dire des « bonnes dictions », on a bien dit les choses et de ce fait, il y a résonance avec la réalisation. C’est quelque chose que je crois profondément.
Dans la relation amoureuse, je le vois bien. Quand on a des échecs et que des gens disent : « Au début, c’était formidable, et après ça a capoté. » On leur demande : « Qu’attendiez-vous vraiment ? », on découvre qu’ils avaient surtout besoin de consolation, ou de compensation, de soins à certaines blessures. Du coup, si la personne ne répond pas à ce besoin de guérison, on va dire : « Je ne l’aime pas. » Mais en fait, ça n’était pas de l’amour. La vraie demande était de guérir d’une part blessée.
N.C. : Mendiant d’amour peut être compris comme ça.
A.L. : Mais je vais vous dire : si quelqu’un a ce besoin et parvient à être clair avec lui, il va rencontrer la bonne personne. Ça ne sera peut-être pas une relation qui durera toute une vie et se transformera en « relation d’amour » au sens le plus sublime du terme, mais la relation de guérison aura fait son travail. Et quand on est clair, on ne se trompe pas d’amour. Nous avons tous des blessures et il est normal de vouloir en guérir. Si on nomme juste, si l’intention est juste, si le désir est juste, on ne mettra pas du mercurochrome pour un mal de tête et on trouvera la bonne personne pour ce cycle de guérison dont on a besoin. Très souvent d’ailleurs, quand la partie blessée commence à se guérir, on voit la personne désirant s’affirmer qui part le faire ailleurs.
N.C. : Il y a plusieurs cartes sur masculin/féminin. Vous dites bien que la réalité n’est pas du tout aussi simple que le fameux partage « Mars et Vénus ».
A.L. : Non pas si simple ! Cette dichotomie ne nous aide pas, en maintenant le vieux rapport de la guerre des sexes, avec la nécessité pour les femmes de comprendre que les hommes ont besoin de s’enfermer dans leur grotte, qui aujourd’hui s’appelle internet, et pour les hommes de comprendre que les femmes sont émotionnelles et qu’elles ont besoin de parler et, donc, ils vont leur accorder dix minutes par jours pour s’exprimer, etc. Je trouve que ça reproduit un schéma vieux comme le monde, au lieu d’ouvrir à un renouveau de la relation, qui partirait du fait qu’on est tous masculins et féminins. Si les hommes viennent de Mars, le côté masculin des femmes vient de Mars aussi, et si les femmes viennent de Vénus, le côté féminin des hommes, vient de Vénus aussi. Un couple, c’est donc au moins deux Mars et deux Vénus, ce qui complique beaucoup l’affaire ! On est quatre, on n’est pas deux. On n’est pas duel.
N.C. : Nous sommes nombreux à ne pas nous reconnaître dans le schéma duel !
A.L. : C’est le mariage, de notre côté masculin et de notre côté féminin, qui rend chacun de nous unique. Du coup, face à l’autre, dans le couple, c’est ça qui va faire une très grande aventure, encore plus unique. On n’est plus dans des dichotomies bien cloisonnées, mais dans une quête d’harmonie jamais achevée, à l’intérieur de chacun des partenaires, et a fortiori entre eux. Il faut toute une vie pour harmoniser le masculin et le féminin, en nous et entre nous ! Et pour bien réussir votre propre mariage intérieur, il est indispensable de sortir de ces clichés Mars et Vénus ! C’est comme si on cloisonnait votre cerveau, en vous décrétant soit cerveau droit, soit cerveau gauche. Nous avons tous un double cerveau, avec une double identité psychique. Et tant qu’on ne l’aura pas reconnu, on ne pourra pas réussir ses relations.